Maladies auto-immunes: de nouvelles perspectives de traitements

Dans le cadre de l’essai Anrs HC21 VASCU-IL2, une équipe française a traité des patients présentant une complication auto-immune de l’hépatite C chronique avec de faibles doses d’interleukine-2. En stimulant une population précise de lymphocytes T, le traitement a permis d’obtenir une amélioration clinique marquée chez la majorité des patients. Ces résultats, publiés dans le NEJM du 30 novembre 2011 (1), ouvrent des perspectives nouvelles pour le traitement des maladies auto-immunes et inflammatoires.
Parmi les quelque 300 000 personnes chroniquement infectées par le virus de l’hépatite C (VHC) en France, 5% à 10% développent des complications auto-immunes atteignant les vaisseaux sanguins, appelées vascularites. Ces complications inflammatoires touchent notamment la peau, les articulations, les nerfs et les reins, avec une symptomatologie pouvant être sévère.
Les équipes des Professeurs Patrice Cacoub et David Klatzmann (service de Biothérapies et service de Médecine Interne de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris) ont montré il y a quelques années que les patients atteints de vascularites induites par le VHC présentent un déficit en lymphocytes T régulateurs (Tregs). Ces cellules du système immunitaire ont notamment pour fonction de prévenir l’apparition des maladies auto-immunes. Les chercheurs ont également montré qu’une fois les patients guéris de leur hépatite C, le taux des Tregs revient à la normale parallèlement à la guérison de la vascularite. Cela les a conduits à évaluer une approche thérapeutique originale visant à faire remonter le taux des Tregs chez des patients atteints de vascularites liées à une hépatite C chronique résistante aux traitements antiviraux. C’est l’objet de l’essai Anrs HC21 VASCU-IL2, dont les résultats sont publiés cette semaine dans The New England Journal of Medicine.
L’approche des chercheurs repose sur l’administration d’interleukine-2 (IL-2). Cette molécule est évaluée depuis plus de vingt ans pour le traitement de maladies pour lesquelles un renforcement des lymphocytes T est souhaité. Cependant, son efficacité est modeste et son usage est aujourd’hui limité à quelques indications, comme le cancer du rein ou le mélanome. Dans ces indications, l’IL-2 est administrée à fortes doses, entraînant des effets indésirables importants.
L’utilisation de l’IL-2 dans les maladies auto-immunes est a priori paradoxale. La survenue de ces maladies est en effet souvent due à l’attaque des tissus sains par une population particulière de lymphocytes T dits effecteurs (Teffs). A l’état normal, ces cellules ne s’attaquent pas aux cellules saines car elles sont contrôlées par les Tregs. La crainte des chercheurs était qu’en administrant de l’IL-2, les deux types de lymphocytes soient stimulés, avec un risque d’aggravation de la maladie auto-immune. C’est pourquoi les chercheurs ont choisi d’administrer l’lL-2 à très faibles doses, espérant activer uniquement les Tregs et non les Teffs.
L’essai réalisé a inclus 10 patients présentant des vascularites induites par une hépatite C chronique résistante à un traitement antiviral. Ils ont reçu quatre cures de cinq jours d’IL-2, à trois semaines d’intervalle, à des doses 10 à 20 fois plus faibles que celles habituellement utilisées en oncologie. Après six mois de suivi, le traitement par IL-2 à faibles doses se révèle très bien toléré, il a induit une stimulation significative des Tregs chez tous les patients, sans activation des Teffs, et il a entraîné une amélioration clinique marquée chez huit patients.
Ces résultats montrent pour la première fois chez l’homme que l’IL-2 à faibles doses a des effets thérapeutiques dans le contexte d’une maladie auto-immune, ouvrant la voie à ce type de traitement dans des maladies comme le diabète, la polyarthrite rhumatoide, la sclérose en plaque, le lupus…. Des essais de traitement par l’IL-2 du diabète de type 1 sont déjà en cours à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière.
Cet essai thérapeutique a été financé par l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS), avec la participation de l’AP-HP (hôpital Pitié-Salpêtrière), du centre d’Investigation clinique en Biothérapies impliquant l’AP-HP, l’Université Pierre et Marie Curie, le CNRS (UMR 7211) et l’Inserm (Unité 959).
(1) David Saadoun, Michelle Rosenzwajg, Florence Joly, Adrien Six, Fabrice Carrat, Vincent Thibault, Damien Sene, Patrice Cacoub, David Klatzmann. Efficacy of low-dose IL-2 in HCV-vasculitis. N Engl J Med 2011;365:2067-77.
Source : Inserm