Comment prévenir les douleurs chroniques postopératoires ?

La douleur chronique postopératoire (DCPO) : une problématique fréquente, 2ème cause de consultation dans les Centres de la Douleur. Chaque année en France, le nombre de nouveaux patients douloureux chroniques suite à une chirurgie est de plusieurs dizaines de milliers.
La DCPO est définie comme la persistance d’une douleur à l’endroit de l’opération, plus de deux mois après la chirurgie, sans autre cause identifiée que la chirurgie, et sans lien avec une douleur préopératoire. C’est un réel problème de santé publique en regard du nombre d’interventions réalisées en France (autour de 6 millions).
– 5 à 30 % des patients opérés développent des douleurs chroniques postopératoires alors que le geste chirurgical est considéré comme réussi par le chirurgien.
– 5% des patients opérés souffrent de douleurs chroniques sévères avec un retentissement important sur leur qualité de vie.
Après les lomboradiculalgies, les DCPO sont la deuxième cause de consultation dans les centres de la douleur. Depuis 10 ans est apparue une prise de conscience de l’importance de ce problème.
 La piste des douleurs neuropathiques
Une grande partie des douleurs chroniques postopératoires est liée à une lésion nerveuse durant la chirurgie. Ces douleurs donnent lieu à des douleurs spécifiques appelées douleurs neuropathiques qui une fois installées sont difficiles à traiter.
Ces douleurs sont très invalidantes par leur intensité, leur chronicité, la difficulté à les soulager, les répercussions fonctionnelles et sur la qualité de vie qu’elles engendrent. Les traitements actuels ont une efficacité souvent partielle et modeste.
La DCPO est donc une pathologie programmée qu’il vaut mieux prévenir que guérir. Malheureusement, la douleur neuropathique passe souvent inaperçue dans la période postopératoire immédiate à cause de la difficulté actuelle à la discerner de la douleur postopératoire habituelle.
Des travaux de recherche via « la prise de greffe osseuse » en chirurgie orthopédique
Toutes les lésions nerveuses ne sont pas douloureuses et à l’heure actuelle nous ne connaissons pas la proportion des lésions nerveuses qui évoluent vers une douleur neuropathique, ni les conditions pour lesquelles elles évoluent vers la douleur, ni les mécanismes impliqués.
L’objectif des travaux menés dans le service d’orthopédie de l’hôpital Raymond Poincaré à Garches (92), avec le Dr Valéria Martinez – anesthésiste algoloque – est de répondre à ces questions. Pour cela l’équipe du Pr Dominique Fletcher s’est intéressée au modèle chirurgical de « la prise de greffe osseuse ».
Ce modèle est une chirurgie reproductible qui présente comme particularité la proximité d’un nerf du site opératoire et qui est fréquemment traumatisé lors de cette chirurgie. Lors de la lésion de ce nerf, les patients présentent, en postopératoire immédiat, une zone de moindre sensibilité au niveau de la cuisse. Une partie des investigations a consisté à dépister cette zone et à suivre son évolution dans le temps par plusieurs visites postopératoires. Lors de ces visites, une analyse à la fois des aspects cliniques, histologique et biologiques a été réalisée.
Les premiers résultats cliniques montrent :
– que 23 % des patients développent des douleurs chroniques neuropathiques au cours de cette chirurgie,
– la mise en évidence de facteurs de risque de développement de DCPO.
Il apparaît que la caractéristique neuropathique des douleurs (brûlures, décharges électriques, insensibilité et hypersensibilité au toucher léger), dès le deuxième jour sont prédictives de douleurs à long terme.
L’association de ce type de douleur à un autre symptôme qui est une hypersensibilité autour de la cicatrice, (appellée hyperalgésie secondaire reflétant une hyper activation du système nerveux central) augmente la probabilité de développer une douleur chronique.
Ces résultats sont importants car ils ont un impact immédiat sur le plan clinique : le dépistage précoce de ces facteurs de risques permet de proposer une prise en charge la plus précoce.
Ces résultats sont transposables à beaucoup d’autres chirurgies pourvoyeuses de lésions nerveuses comme la chirurgie du sein, du thorax, des varices….
D’autre part, ces premiers résultats sont une avancée dans la compréhension des mécanismes mis en jeu soulignant l’importance du rôle de la vulnérabilité du système nerveux central dans la chronicisation des douleurs.
D’autres travaux sont en cours qui permettront de mieux cerner les patients les plus vulnérables et de développer des stratégies préventives dans le développement de douleur chronique postopératoire.
Source :  FONDATION APICIL CONTRE LA DOULEUR