Adolescence et alcool: un risque d'addiction à l'âge adulte

Les résultats d’une étude dirigée par des chercheurs de l’Inserm, publiés dans la revue Neuropharmacology, montrent que les intoxications répétées à l’adolescence, alors que le cerveau n’a pas fini sa maturation, entrainent une perte de contrôle de la consommation d’alcool à l’âge adulte, et provoquent des modifications neurologiques à long terme.

L’addiction à l’alcool concerne environ 5 millions de français. Il est aujourd’hui très préoccupant de constater que la consommation d’alcool se banalise de plus en plus chez les plus jeunes, développant des pratiques dangereuses telles que le « binge drinking » (boire massivement et très rapidement).
Dans le cadre du projet européen AlcoBinge coordonné par une équipe de l’Inserm, des chercheurs ont exploré chez le rat les effets à long terme des intoxications alcooliques répétées au cours de l’adolescence ((le rat est considéré comme adolescent 30 à 40 jours après sa naissance) sur la prédisposition et la motivation à consommer de l’alcool pouvant créer une addiction à l’âge adulte.
D’un point de vue comportemental, l’étude dirigée par Mickaël Naassila démontre que les rats adultes exposés à des ivresses alcooliques tôt dans l’adolescence sont plus vulnérables à l’alcool, perdant le contrôle de leur consommation. En effet, ces derniers sont moins sensibles aux propriétés aversives[1] et spécifiques de l’alcool.
Toujours d’un point de vue comportemental, les chercheurs Inserm ont étudié la motivation des rats adultes à consommer de l’alcool. Les chercheurs, ont montré, pour la première fois et après plusieurs expériences sur la récompense, que les rats adultes ayant été exposés précocement à l’alcool, faisaient preuve d’une motivation excessive pour obtenir de l’alcool.
D’un point de vue neurologique, l’intoxication alcoolique répétée au cours de l’adolescence provoque également des modifications dans le cerveau. Les chercheurs ont démontré qu’une sous-région bien précise du noyau accumbens, (zone cérébrale qui joue un rôle primordial dans le comportement addictif) est moins réactive, à long terme, à une ré –exposition à l’alcool. Ce qui pourrait expliquer leur plus grande vulnérabilité face à l’alcool.
Bien que menés chez le rat, ces résultats confirment que les intoxications alcooliques répétées à l’adolescence (qui miment « le binge drinking ») rendent les sujets adultes plus vulnérables à l’alcool et induisent des neuro-adaptations à long terme.
[1] L’homme comme l’animal trouve en chaque drogue des composantes appétitives (attrayantes) et aversives (répulsives, effets désagréables). Quand pour un individu les effets aversifs l’emportent sur les effets appétitifs, il est incité à n’en jamais réitérer l’usage. Dans le cas d’une sensibilité moindre aux effets répulsifs de l’alcool, la composante appétitive pour l’alcool prend le dessus et le sujet perd le contrôle de sa consommation.
Source: Inserm
Alcohol intoxications during adolescence increase motivation for alcohol in adult rats and induce neuroadaptations in the nucleus accumbens ; Stéphanie Alaux-Cantin, Vincent Warnault, Rémi Legastelois, Béatrice Botia, Olivier Pierrefiche, Catherine Vilpoux and Mickaël Naassila ; Neuropharmacology, 31 décembre 2012