La succion et ses conséquences : quand arrêter ?

Téter son pouce ou sucer une tétine est un acte courant chez le jeune enfant. Reste à savoir quand arrêter… La Fédération Française d’Orthodontie fait le point et stoppe les idées reçues.
La tétine n’est ni physiologique ni orthodontique.
Si l’enfant met instinctivement ses doigts dans sa bouche, la tétine est, en revanche, une invention humaine. C’est un objet extra corporel que le nouveau-né reçoit du personnel médical, de la famille…
L’usage de la tétine est devenu un véritable phénomène de société : 3/4 des enfants d’Europe de l’Ouest en possèdent au moins une. Les fabricants rivalisent d’ingéniosité pour proposer aux parents d’acheter une sucette « individualisée » en fonction de l’âge de l’enfant. Certains n’hésitent pas à qualifier leur tétine de physiologique voire d’orthodontique et les proposent en pharmacie « Des appellations totalement commerciales – réagit Claude Bourdillat Mikol, orthodontiste – Les tétines ne sont pas physiologiques et encore moins orthodontiques ». Une étude de l’American Academy of Pediatric Dentistry démontrait déjà en 1992 qu’il n’y avait pas de différences notables sur les déformations dentaires chez les enfants qui utilisaient une tétine normale et une tétine dite physiologique ou orthodontique (1)
Le pouce c’est « moins grave » que la tétine.
Entre le pouce et la tétine, le véritable enjeu n’est pas de savoir lequel a le moins de conséquences sur le développement de l’enfant mais à quel âge il va s’en passer. En effet, l’un et l’autre ont des effets sur la denture, la bouche et le sommeil de l’enfant.
Plus la succion est tardive, plus les conséquences seront importantes. Il ne faut pas s’alarmer si l’enfant tète, mais faire en sorte qu’il soit sevré avant l’âge de 3 ans.
Les dommages réels
D’un point de vue orthodontique, la succion prolongée a de multiples conséquences.
• Sur la formation du palais tout d’abord. La langue étant en permanence maintenue en bas, elle ne vient plus s’appuyer sur le palais de l’enfant et donc stimuler sa croissance. Les enfants qui continuent de sucer leur pouce ou une tétine à un âge plus avancé présentent un risque plus élevé d’avoir un palais étroit.

• Une seconde conséquence qui découle de l’étroitesse du palais mais aussi du mauvais positionnement de la langue est la béance antérieure. De plus, pouce et tétine « tirent » en avant les dents du maxillaire supérieur.

• La succion empêche également de fermer correctement la bouche et donc de muscler les lèvres.
« Pour donner une image, la mâchoire se construit autour de l’obstacle ce qui créé des déformations et en l’occurrence, l’obstacle, c’est la tétine ou le pouce » précise le Docteur Claude Bourdillat Mikol. Il ne faut pas oublier que le palais est le plancher des fosses nasales. Un palais qui s’est mal développé peut entraîner des problèmes respiratoires en raison de fosses nasales trop étroites. Cette mauvaise ventilation engendre des rhinopharyngites, des rhinites, de l’asthme, des otites, ainsi que des troubles du sommeil et même parfois des retards de croissance et des apnées du sommeil (2).
Comment répare-t-on ?
Quelles que soient les conséquences de la succion, il existe des solutions pour les traiter.
On commence lorsque la tétine ou le pouce a définitivement été abandonné par l’enfant. On peut ainsi débuter dès 4 ans, ou attendre jusqu’à 12 ans…
Généralement le traitement s’opère en deux temps.
• La première étape consiste à élargir la mâchoire supérieure. On peut utiliser de nombreux dispositifs. Un des plus simples est la plaque à vérin dont l’activation permet d’élargir la mâchoire.
• Pour traiter le décalage antéro postérieur, l’orthodontiste utilise un appareil qui stimule la croissance de la mâchoire du bas. Cet appareil ressemble schématiquement à une gouttière dentaire, il est amovible et se porte la nuit.
Les deux étapes se succèdent : six mois chacune, pour une durée moyenne de traitement de douze mois.
« Une fois que l’on a réparé le squelette, il faut rééduquer les fonctions perturbées par la succion et, notamment, bien s’assurer que l’enfant positionne correctement sa langue sur son palais lorsqu’il déglutit » rappelle le Docteur Frédérique Aloé-Tavernier, orthodontiste.

Sources : Fédération Française d’Orthodontie  (1) Steven M. Adair, Michael Milano, Jennifer C. Dushku – Evaluation of the Effects of Orthodontic Pacifiers on the Primary Dentitions of Twenty-four- to Fifty-nine-month-old- Children: Preliminary Study (2) Dante Bresolin, DDS, MSD, Peter A. Shapiro, DDS, MSD, Gail G. Shapiro, MD et al. – American Journal of Orthodontics and Dentofacial Orthopedics 1983