Téléphone au volant‎: la cause de près d’un accident de la route sur dix

Aujourd’hui, 8 Français sur 10 sont équipés d’un « portable » et près de la moitié des conducteurs utilisent un téléphone en conduisant. Hors, téléphoner en conduisant multiplie par 3 les risques d’accidents. En 2009, près d’1 accident corporel de la route sur 10 pourrait être associé à l’utilisation du téléphone en conduisant, soit plus de 7 230 accidents corporels.
La Délégation à la sécurité et à la circulation routières a donc confié à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), en association avec l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (Ifsttar), la réalisation d’une expertise collective sur l’impact de l’usage du téléphone et des autres « distracteurs » sur la sécurité des usagers de la route. Ainsi, pour la première fois, un groupe d’experts a fait le bilan complet de la littérature scientifique mondiale sur le risque d’accident lié à l’usage du téléphone portable. Le rapport « Téléphone et sécurité routière » qui vient de paraître en confirme la dangerosité
au volant.
Ses conclusions posent un regard nouveau en anticipant les dangers de l’avenir que sont l’usage croissant d’autres « distracteurs », comme les systèmes embarqués et les écrans tactiles dont l’utilisation en circulation, pourtant interdite depuis 2008, perturbe l’attention du conducteur, menaçant gravement sa sécurité et celle des autres usagers de la route.
1 – En France, près de la moitié des conducteurs utilisent un téléphone en conduisant (portable ordinaire ou kit mains-libres). Les jeunes, les hommes, et les usagers de la route à titre professionnel sont ceux qui téléphonent le plus au volant.
2 –  Le sur-risque d’accident matériel ou corporel découlant d’une conversation téléphonique au volant par rapport à un conducteur ne téléphonant pas est environ de 3. Or, la pratique du téléphone au volant est extrêmement répandue : en moyenne, la proportion de conducteurs dans la circulation qui, à un instant « t », utilisent un téléphone portable, est de l’ordre de 6%.
3 –  Converser au téléphone en conduisant provoque des modifications importantes du comportement visuel. Téléphoner accapare l’attention du conducteur qui regarde davantage droit devant et néglige la consultation des rétroviseurs ou du compteur de vitesse.
4 – Le kit mains-libres et le mobile ordinaire entraînent quasiment le même niveau de distraction car téléphoner accapare l’attention du conducteur : au-delà de la mobilisation physique du conducteur (motrice et visuelle), téléphoner introduit une forte charge mentale supplémentaire et réduit gravement les ressources attentionnelles indispensables pour conduire. Converser au téléphone en conduisant provoque une perte d’attention à la route qui détermine l’essentiel du risque. Le conducteur qui téléphone est tout juste capable d’assurer en parallèle les tâches de conduite routinières, comme s’il se mettait en « pilotage automatique ».
5 – En France, près d’un accident corporel de la route sur dix est associé à l’utilisation du téléphone au volant. Or, ceux qui téléphonent en conduisant ont très peu conscience du danger : les conducteurs sous-estiment très largement le risque qu’ils prennent en téléphonant au volant. Parce que le kit mains-libres n’est pas interdit, beaucoup s’imaginent que le danger réside dans la manipulation physique du téléphone, le fait même de le tenir en main, alors que la menace vient de la captation de son attention.
6 – Les rares tentatives d’analyse coûts/bénéfices d’une éventuelle interdiction du téléphone au volant sont nord-américaines. Peu probantes, elles ne sont pas en mesure de démontrer l’intérêt socio-économique d’une interdiction. Les pays européens ont à ce jour pratiquement tous adopté la même position réglementaire à l’égard de l’utilisation du téléphone au volant : interdiction du
téléphone tenu en main, tout en tolérant le kit mains-libres. Deux pays ont fait des choix différents. L’Espagne sanctionne aussi l’usage de l’oreillette. La Suède, elle, n’a pas légiféré sur l’usage du téléphone, considérant le conducteur capable d’appliquer les règles générales de prudence et d’attention. D’autres solutions que sanctions et répression sont en effet à évaluer.
Le pianotage gagne du terrain
Progressivement la téléphonie vocale recule au profit d’usages tactiles et visuels du téléphone – échanges de SMS mais aussi consultation d’Internet et d’applications sur des terminaux type SmartPhones – qui sollicitent encore davantage les capacités d’attention du conducteur. Le pianotage gagne du terrain. Ces pratiques émergentes provoquent de manipulations longues – maniement de claviers et d’écrans tactiles – associées à la lecture d’écrans qui mobilisent la vision et l’attention. Ces usages nouveaux constituent une source de distraction encore plus dangereuse pour la sécurité routière. C’est pourquoi depuis 2008 le Code de la route interdit « de placer dans le champ de vision du conducteur d’un véhicule en circulation un appareil en fonctionnement doté d’un écran et ne constituant pas une aide à la conduite ou à la navigation. » Cette infraction est punie d’une amende de 4ème classe. Cependant, le développement de ces pratiques est préoccupant car elles se multiplient
particulièrement pour :
– les professionnels qui trouvent avec les nouvelles technologies le moyen de gagner du temps en utilisant leur voiture « comme un bureau ».
– les jeunes qui privilégient la communication via SMS pour des raisons tarifaires.
L’enjeu le plus lourd est probablement celui de la montée en charge rapide de ces nouveaux modes de communication au volant dans un avenir proche. Ces évolutions laissent envisager des niveaux de risque croissants et nécessitent de poursuivre la réflexion pour mettre en place des mesures permettant d’enrayer les usages en contradiction forte avec la sécurité routière.
 Source : securite-routiere.gouv.fr