Suicides : mieux surveiller les arrêts maladie pour raisons psychiatriques

Une équipe de l’Inserm a suivi 16 années durant une cohorte de quelque 20 000 personnes appelée GAZEL (constituée d’employés des entreprises GAZ de France et ELectricité de France) afin d’examiner les liens entre arrêts maladie pour raisons psychiatriques et mortalité. Résultats : il existe un lien entre ces absences et les risques de mortalité prématurée, en particulier par suicides. Ces travaux sont  publiés en ligne dans la revue American Journal of Epidemiology.
Dans les pays industrialisés, les problèmes psychiatriques affectent entre 30 et 50 % des personnes au cours de leur vie et constituent l’une des causes majeures de maladies associées. Ces pathologies sont particulièrement fréquentes chez les adultes en âge de travailler et entraînent souvent des décès prématurés. La cohorte GAZEL a démarré en 1989, parmi plus de 20 000 employés des entreprises Electricité de France-Gaz de France (15011 hommes, 5614 femmes), d’âge compris entre 35 et 50 ans. Chaque année, les chercheurs de l’Inserm recueillent les données concernant la santé de ces personnes, par l’intermédiaire d’un questionnaire adressé à chaque participant, qui précise l’état de santé et détaille différents facteurs tels que le style de vie, l’environnement familial et social, les expositions professionnelles notamment.
Les chercheurs ont choisi de s’intéresser au devenir des personnes ayant été arrêtées pour raisons psychiatriques, plus de 7 jours consécutifs entre le 1er janvier 1990 et le 31 décembre 1992. Les arrêts pour raisons psychiatriques pouvaient recouvrir différentes pathologies : principalement la dépression (59 %), d’autres types de névrose, les troubles anxieux et psychosomatiques (36 %) et les problèmes dus à l’alcool (5 %). Pour la première fois dans une étude aussi large, trois causes de mortalité, particulièrement fréquentes au sein de la population, ont ensuite pu être suivies par les chercheurs : décès par cancers, par maladies cardiovasculaires, par causes externes (dont suicides). En 3 ans, 6,5 % des personnes incluses dans l’étude ont été absentes du travail au moins une fois plus de 7 jours pour raisons psychiatriques.
Chez ces personnes, les chercheurs ont observé 6 fois plus de suicides, 60 % de décès par cancer du fumeur (œsophage, bouche, pancréas, voies urinaires, poumons) supplémentaires et 80 % de décès par maladies cardiovasculaires supplémentaires. Mais, une fois pris en compte (ajustés) les facteurs de risque de mort prématurée tels que l’âge, le sexe, le statut marital, la profession et catégorie sociale, le niveau de consommation d’alcool et de tabac, et les arrêts maladie dus à d’autres causes médicales, l’association ne reste statistiquement significative que pour les décès par suicide (risque de suicide multiplié par 5). En conclusion, les auteurs insistent sur l’intérêt de proposer un suivi de santé particulier aux personnes arrêtées fréquemment pour raisons psychiatriques, ce qui pourrait permettre une prise en charge spécifique du risque de suicide.
 Source : Inserm