Enfants-adolescents: les troubles psychiatriques encore mal dépistés et pris en charge

Médecins scolaires pas assez nombreux, nombre de lits en nette régression, carences de dépistage… Le Conseil économique, social et environnemental dresse un état des lieux de la prévention et de la prise en charge des troubles psychiatriques avérés des enfants et des adolescents (pédopsychiatrie) et propose des orientations pour améliorer cette prise en charge.
 En France, les données épidémiologiques sont insuffisantes. Dans plusieurs pays européens, elles indiquent une prévalence élevée des différentes pathologies psychiatriques. Le recours aux soins en psychiatrie générale est en forte croissance partout où il a pu être mesuré. Il en va de même en pédopsychiatrie avec une augmentation de 7 % des patients pris en charge depuis 2000.

Les troubles psychiatriques les plus fréquents chez les enfants et les adolescents :

Les troubles anxieux névrotiques (dont les TOC, “troubles obsessionnels compulsifs”) s’expriment de différentes façons, par des soucis excessifs concernant les résultats scolaires, des troubles du sommeil, de la mémoire, des attaques de panique, des phobies sociales.
•  La dépression se manifeste par des troubles du comportement et une hyperactivité.
•  L’hyperactivité se caractérise par des troubles de l’attention, des impulsivités ou une hyperactivité motrice.
•  L’anorexie et la boulimie touchent essentiellement des filles mais un nombre croissant de garçon est concerné.
•  L’autisme se caractérise par des perturbations dans les relations sociales et la communication.
•  La schizophrénie est rare chez l’enfant et commence en fin d’adolescence et au début de l’âge adulte.
•  Les troubles bipolaires sont des troubles récurrents de l’humeur, rares chez l’enfant et l’adolescent.

 Une prise en charge inégale  

 En 2000, la France comptait 320 secteurs de psychiatrie infanto-juvénile. Chacun d’eux dispose d’une équipe pluridisciplinaire, rattachée à un hôpital prenant en charge les jeunes selon des modes et dans des lieux variés : en ambulatoire, à temps partiel ou complet, à l’hôpital, dans des établissements médico-sociaux ou sur des lieux de vie (école, domicile…).
Le suivi des enfants et des adolescents en psychiatrie est essentiellement le fait des Centres médico-psychologiques (CMP). Alternative à l’hospitalisation à temps complet (où les patients sont surveillés 24h/24), la prise en charge en ambulatoire ne coupe pas les patients de leur milieu familial et social. Le nombre moyen de journées de séjour a fortement diminué (42 jours en 2000). Cette tendance reflète une évolution des pratiques et une baisse du nombre de lits d’hospitalisation, divisé par trois entre 1986 et 2000. Il existe des disparités entre les secteurs. Ni la réduction de la durée des séjours ni la diminution du nombre de lits d’hospitalisation ne s’est effectuée de manière homogène sur le territoire, entraînant des variations importantes dans le nombre de patients pris en charge en ambulatoire et dans les délais d’attente selon les secteurs et selon les régions.

 Délais de consultation trop longs

 Les disparités entre secteurs se retrouvent aussi dans les dotations en personnel dont ils disposent. Pour une première consultation avec un médecin (hors urgence), le délai minimum d’attente est d’un mois dans 55 % des secteurs et de plus de trois mois dans 16 % des secteurs. Pour les premières consultations avec un autre professionnel (généralement un psychologue), les délais sont plus courts mais ils sont estimés à plus d’un mois dans 35 % des secteurs.
Plus de 100 000 enfants et adolescents sont accueillis au sein d’un réseau d’établissements médico-éducatifs.
Les principales structures médico-sociales concernées par les questions de santé mentale sont les Instituts thérapeutiques et d’éducation pédagogique (ITEP). Ils accueillent des enfants et des adolescents qui présentent des difficultés psychologiques telles qu’elles perturbent leur développement, les apprentissages et leur socialisation.
Les Services d’éducation et de soins spécialisés à domicile (SESSAD) apportent un appui éducatif en milieu scolaire.
Les Centres médico-psycho-pédagogique (CMPP) sont des services médico-sociaux qui assurent le dépistage des troubles, le soutien éducatif, la rééducation ou la prise en charge de l’enfant tout en le maintenant dans son milieu habituel. Ils accueillent des enfants et des adolescents présentant des difficultés d’apprentissage, des troubles psychiques, psychomoteurs, ou de comportement.
Les Centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP) sont des structures ambulatoires dédiées à la petite enfance. Ils ont une mission de dépistage, de diagnostic et de rééducation précoce des enfants.
Les Centres de ressources pour l’autisme (CRA) ont pour mission d’aider à l’amélioration du diagnostic de l’autisme et des troubles envahissants du développement. Ils aident les familles et les professionnels à accéder à l’information sur les pratiques de prise en charge des enfants présentant ces troubles.
Les Centres d’accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP) accueillent des enfants souffrant de troubles de la socialisation. Ces centres sont des structures intermédiaires entre les CMPP et l’hospitalisation de jour. Ils proposent des activités de groupe aux enfants pris en charge.

 Dépistage tardif de l’autisme

 La prise en charge implique une multiplicité de professionnels. Ainsi, les médecins généralistes , les pédiatres et les médecins de l’Éducation nationale ont un rôle essentiel. Ils assurent le dépistage des troubles à un stade précoce et informent les patients et leur famille une fois le diagnostic de troubles psychiatriques potentiels effectué. Cependant, ils ne détectent pas précocement certains troubles comme l’autisme par exemple. En outre l’absence chronique des moyens en médecine scolaire est un frein à la détection des troubles. Ces professionnels ne reçoivent pas une formation suffisante en psychiatrie.
Les psychiatres définissent et conduisent, en lien avec les autres intervenants, une stratégie thérapeutique globale, alliant entretiens avec les patients et leur famille et traitement des maladies diagnostiquées à l’aide de médicaments ou de psychotropes. Les projections démographiques de la DREES évoquent une diminution prévisible du nombre des psychiatres en activité de l’ordre de 30 à 40 % entre 2002 et 2025.
Les psychologues sont, avec les infirmiers, des acteurs majeurs des équipes pluridisciplinaires à l’hôpital ou dans les CMP. Ils prennent en charge le suivi des patients et de leur famille et construisent les dispositifs d’intervention à visée préventive ou curative. Ils accueillent les patients hors urgence. Outre les infirmiers et les psychologues, les équipes de pédopsychiatrie comportent également des psychomotriciens, des orthophonistes, des ergothérapeutes et des masseurs-kinésithérapeutes.
Les éducateurs spécialisés ont un rôle essentiel car ils établissent un lien entre les soins prodigués aux malades et l’insertion sociale de ces derniers. Ils conseillent et orientent les jeunes en matière de choix éducatifs, de logement et de loisirs.
Les assistants sociaux aident les patients à instruire les dossiers administratifs en vue de l’obtention des droits. Dans les équipes pluridisciplinaires, ils favorisent la prise en compte de l’environnement familial et socio-économique des patients .
Bien que le travail en réseau constitue un progrès, la multiplicité des intervenants et des structures crée des effets de cloisonnements préjudiciables à une prise en charge globale des malades. Il se heurte en outre à un manque de moyens et d’effectifs qui rend quasi impossible les tâches de coordination, faute de réelle prise en charge financière.
Le dépistage des maladies mentales est tardif en France. De plus, un bilan complet des pathologies des enfants peut nécessiter un délai très long (1 an voire un an et demi). De ce fait, une partie d’entre eux sera traitée par le service des urgences pour des troubles beaucoup plus graves que ceux ayant motivés la première consultation. La difficulté à assurer la continuité et une fréquence suffisante des soins sont un des problèmes majeurs de la pédopsychiatrie. Le non-remboursement par la sécurité sociale des soins dispensés par certains professionnels en libéral représente un frein important à cette prise en charge continue.

 Propositions

 Favoriser la prévention à travers un repérage précoce
Le dépistage précoce permet la mise en place de mesures correctrices et favorise le maintien des enfants dans des structures ordinaires. Pour intervenir en amont et établir rapidement un premier diagnostic, il est nécessaire de :

– Sensibiliser l’ensemble des acteurs de la chaîne de santé en renforçant l’enseignement de la pédopsychiatrie dans les programmes des études médicales ;
– Associer l’école en inscrivant le repérage des troubles dans le cahier des charges de la formation initiale et continue des maîtres pour les doter d’un socle de connaissances minimales et les aider à adopter une attitude professionnelle adaptée ;
– Revaloriser la fonction de médecin de l’Éducation nationale comme acteur de la politique de santé.

Mieux définir et organiser l’offre de soins

 Le manque de structures adaptées peut, dans certains territoires, retarder considérablement le diagnostic. Il est impératif de :
– Penser l’offre en termes de réseaux afin de garantir la continuité des soins : en raccourcissant les délais de prise en charge, en assurant le remboursement sous certaines conditions par l’assurance maladie des actes des professionnels (psychologues, psychomotriciens, etc.) capables d’intervenir en amont de l’établissement d’un bilan ; en dotant les psychologues d’un véritable statut ; en favorisant la polyvalence entre les différentes approches psychiatriques pour favoriser l’efficacité, la fluidité et la proximité du parcours de soins et en reconnaissant financièrement les tâches de coordination ;
– Mieux organiser l’offre de soins en réservant un nombre de postes de pédopsychiatres à l’internat et en facilitant la prise en charge et la complémentarité entre les secteurs public et privé ;
– Mieux accompagner les familles à toutes les étapes du processus en inscrivant l’intégration scolaire des jeunes souffrant de handicap ou de troubles psychiques dans le projet d’établissement et en communiquant sur l’apport positif de leur présence à l’école. Par ailleurs, les Auxiliaires de vie sociale (AVS) doivent être dotés d’un véritable statut qui réponde à un vrai besoin de professionnalisation. Pour compléter l’action du ministère de l’Éducation nationale, des associations, agréées par ce dernier, pourraient être appelées à jouer un rôle moteur et moins marginal qu’aujourd’hui.
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