Goût et comportement alimentaire des enfants : une question d’éducation

Face à l’alarmante pandémie d’obésité infantile en France, les chercheurs de l’INRA avancent l’éducation sensorielle comme piste de réflexion possible. Une éducation au goût apprenant aux enfants à être davantage à l’écoute de leur perception sensorielle, à mieux verbaliser leur ressenti et à enrichir leur répertoire alimentaire pourrait se révéler efficace pour modifier le comportement alimentaire.
Piloté par des chercheurs en analyse sensorielle de l’INRA, le projet EduSens a permis de tester l’effet d’une éducation sensorielle du type « Classes du goût » sur les préférences et les comportements alimentaires d’enfants âgés de 8 à 10 ans.
Une éducation sensorielle peut aider les enfants à manger des aliments inconnus. Le projet montre l’efficacité de l’éducation sensorielle pour réduire la néophobie alimentaire – la peur de consommer un aliment inconnu – et ce, davantage chez les enfants de 7 à 9 ans que chez les enfants de 9 à 11 ans. Elle semble d’autant plus efficace que son contexte d’application est formel et théorique (meilleurs résultats obtenus pour une éducation sensorielle en classe scolaire, puis en famille, puis en restaurant scolaire). En outre, la persistance de cette efficacité est compromise lorsque la période d’éducation est ponctuelle. Face à de tels résultats, les chercheurs INRA recommandent d’initier l’éducation sensorielle à l’école, le plus tôt possible et en la maintenant le plus longtemps possible (idéalement, de l’entrée en maternelle à la sortie du primaire).
L’éducation sensorielle augmente la capacité à décrire objectivement le goût des aliments Le projet a clairement établi l’existence d’un effet de l’éducation sensorielle dispensée par les « Classes et les Familles du Goût » sur la capacité des enfants à décrire objectivement le goût des aliments. Ce gain en capacités descriptives semble conservé après la période de fin d’éducation, sans pour autant continuer à croître. Donner du vocabulaire sensoriel à l’enfant est bénéfique dans le sens où celui-ci pourra verbaliser sa perception de manière plus subtile que par la seule évaluation hédonique (liée au plaisir). L’école apparaît comme le lieu incontournable pour proposer et familiariser l’enfant avec le vocabulaire de la dégustation.
Les préférences des enfants évoluent vers une plus grande complexité aromatique sous l’effet de l’exposition sensorielle : EduSens n’a pas réussi à démontrer clairement l’efficacité de l’éducation sensorielle pour faire évoluer les préférences des enfants vers des aliments de plus grande complexité aromatique. En revanche, il aura souligné celle de l’exposition sensorielle. Le challenge est donc de trouver les moyens de faire goûter aux enfants des aliments plus complexes par rapport à leurs préférences actuelles.
A noter : DES « CLASSES DU GOÛT » À EduSens : Les « Classes du goût », créées il y a 30 ans par Jacques Puisais (vice-président de l’Institut du goût), sont un programme d’une douzaine de leçons sur le goût, dispensées par les professeurs des écoles aux enfants de 7 à 10 ans. Cette éducation sensorielle a une double finalité hédoniste, prendre du plaisir à goûter, et humaniste, s’ouvrir à la différence. Pourtant, les « Classes du goût » sont restées relativement confidentielles. Le projet EduSens déborde du cadre de la classe scolaire en développant deux autres programmes d’éducation sensorielle, les « Restos du goût » et les « Familles du goût », adaptés respectivement au contexte de la restauration scolaire et du foyer familial.
Structuré en trois expériences, le projet EduSens conduit par des chercheurs de l’INRA entre 2006 et 2009 a permis de tester successivement l’effet d’une éducation sensorielle dispensée en classe, au restaurant scolaire et enfin au laboratoire à des couples constitués d’un enfant et d’au moins un de ses parents. Chaque expérience incluait un groupe expérimental (recevant l’éducation sensorielle) et un groupe contrôle, chacun composé d’une centaine d’enfants de 8 à 10 ans. Des tests sensoriels ont été réalisés avant et après la période d’éducation au goût (d’une durée de 6 mois en général), puis 9 mois plus tard afin d’évaluer la persistance et/ou l’évolution des effets observés. Les tests sensoriels mesuraient la capacité à catégoriser et à décrire les sensations perçues en mangeant ; ils évaluaient également les modifications des préférences et des choix des enfants. Ces tests ont été complétés par des mesures attitudinales et comportementales visant à évaluer l’évolution des croyances et des comportements alimentaires des enfants due à l’éducation sensorielle. Enfin, l’évolution de l’ambiance au sein de la classe et de la famille a été observée pour mettre en évidence le pouvoir socialisant de l’éducation sensorielle.
Source : INRA